Alors qu’avec la régularité de la marée une vague bleue et bleu marine déferle avec constance, élection après élection sur le pays, seule la région Midi-Pyrénées fait de la résistance, offrant aux « socialistes » des résultats honorables, et leur confiant même la Présidence de six des huit exécutifs départementaux qui la composent.
Chacun avance ses explications et son analyse ; d’aucuns affirment que les deux têtes de liste nationales de l’UMP et du Centre dans le sud-ouest sont aquitains et ont pour nom Alain JUPPE ou François BAYROU, qui constituent plus des repoussoirs que des atouts, puisque les traîtrises de BAYROU contre son camp sont permanentes, et que JUPPE, par calcul électoraliste, a accepté de devenir le champion par défaut des journaux du Groupe BERGE-NIEL-PIGASSE qui louent désormais ses vertus et tissent son panégyrique en lui offrant les couvertures et l’appui de leurs hebdomadaires.
Bien sûr, il existe les analyses pénétrantes de l’immense historien que fut Fernand Braudel, tant pour la civilisation développée au sud de la France (les régions Aquitaine, Auvergne, Midi-Pyrénées, Limousin, Languedoc-Roussillon, Poitou-Charentes, Provence-Côte-d’Azur et la moité de Rhône-Alpes) que pour la rivalité historique entre Paris et Toulouse, Lutetia et Tolosa depuis l’antiquité romaine, qu’il développe dans « Identités de la France » et met bien en évidence le fossé culturel qui sépare la France entre pays de langue d’Oil et pays de langue d’Oc.
Mais fossé moral plus encore, rempli du million de victimes de ce génocide que fut la Croisade dite des Albigeois déclenchée en 1209, et les milliers de chrétiens Cathares brûlés vifs sur les bûchers de l’Inquisition (los cramats) ; déchirure irréversible que ce premier génocide entre chrétiens, mené par les Seigneurs puînés franciliens sous couvert d’une Croisade religieuse pour s’emparer et dépouiller les seigneurs du Midi de leurs biens et de leurs titres, avec l’appui du Pape, au nom d’un idéal qui n’était que mort, vols, destructions, bûchers et pillages.
Résonnent encore dans les esprits le fameux : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! » du Légat pontifical à la soldatesque lors du sac de BEZIERS, avec le massacre de la moitié de la population dont femmes et enfants brûlés vifs dans la Cathédrale Sainte-Madeleine où ils avaient trouvé refuge et les terribles instructions aux futurs inquisiteurs dispensées par le dominicain Bernard Gui depuis le Couvent des Jacobins, maison mère de l’ordre dominicain, établi à quelques mètres de la Place du Capitole pour bien marquer le triomphe de son ordre prêcheur, crée pour l’occasion afin de réduire l’hérétique, le chrétien « Cathare ».
« Les chevaliers cathares » dressées à titre « d’oeuvre d’art » par les « autoroutes du sud de la France » sur « l’autoroute des deux mers », aire de Pech-Loubat, première aire de repos en sortant de Narbonne en direction de Carcassonne et Toulouse, qu’il juge grotesques et attentatoires à la mémoire des sujets représentés.
Et cette rage, rien ni personne ne pourront jamais l’effacer puisque huit cent années d’histoire commune n’y sont pas parvenus et qu’elle affleure encore dans la sensibilité collective lorsque la représentation donnée de ce génocide déguisé en croisade, mené par des ribauds et des manants sanguinaires, la lie de la société, contre une civilisation bien plus avancée, cultivée et progressiste que la leur, paraît trop insultante pour les victimes. Ecoutez par exemple le cri de colère de Francis Cabrel contre les sculptures intituléesLa répression terrible et sanglante par MAZARIN en 1643 de la révolte paysanne des « Croquants » qui se levaient contre la Taille qui les condamnait à mourir de famine avec leurs familles ne fit qu’alimenter la fracture, puisque, comble d’humiliation, la mise à mort de Jean PETIT, un des meneurs, qui dut subir le supplice de la roue et dont tous les membres furent brisés à coups de barre de fer jusqu’à ce que mort s’ensuive, devint une ronde d’enfant chantée désormais dans toutes les écoles maternelles. Le grand poète et chanteur NADAU en rappelle le souvenir dans son oeuvre « Auròst tà Joan Petit »
Sociologiquement, les vagues d’immigrations massives de républicains italiens au XIXe puis au début du XXe siècle, et plus encore l’accueil de 100.000 républicains espagnols en 1936, qui fait de Toulouse la plus grande ville espagnole d’Europe, hors péninsule ibérique, ne firent que renforcer avec la remarquable intégration de ces militants de gauche l’esprit jaurésien dans l’inconscient collectif, qui devint drapeau et exception culturelle d’une société blessée.
Mais pour nous nés, grandis et habitants de la capitale régionale, cela n’a rien d’étonnant : comme la plupart de nos camarades issus du « baby-boom » d’après-guerre, nos parents et grands-parents étaient de sensibilité socialiste, comme le voulait la tradition familiale. Mais ce socialisme était digne, généreux, respectable, proche des gens et de leurs problèmes, ce qui faisait sa force, dans la droite ligne de l’enseignement jaurésien, ce mythe politique, osmose réussie et union d’un terroir avec une une philosophie politique qui en est issue.
Malgré son intellect brillant qui avait conduit JAURES, le modeste castrais, poussé par un inspecteur d’académie qui en avait distingué les qualités remarquables, au majorat du concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure devant Bergson, puis agrégé de philosophie, il avait toujours gardé le sens des réalités, l’amour de l’humain, devenant leader charismatique des mineurs de Carmaux en lutte contre l’oppression et les humiliations qui leur étaient infligées, obtenant gain de cause par sa pugnacité ; responsable politique si proche des gens simples (les « sans dents » dirait avec mépris un de ses prétendus successeurs !) qu’il commençait toujours ses discours en langue occitane, notre langue mère commune, absorbée à 70% par la langue française dont elle constitue la matrice latine, alors que les autres politiques « parisiens ! » la qualifiaient avec mépris de « patois », depuis que les jacobins centralisateurs et les partisans de la Terreur révolutionnaire sur rapport intitulé « Sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française » de l’abbé Clément, Jésuite relaps, voulaient éradiquer les langues régionales.
Dans le dernier quart du XIXe siècle, ils mettaient en place par l’intermédiaire des « hussards noirs de la République » une politique violemment répressive pour l’effacer du cerveau des enfants !. Nous avons tous connu dans notre enfance cette génération de grands-parents qui ont du affronter non seulement les deux guerres mondiales mais ont été dépouillés, frustrés de leur héritage culturel, et d’abord de cette langue maternelle, cette langue parlée depuis toujours par leurs parents, grands-parents et tous leurs ancêtres, devenue objet d’opprobre et d’indignité, au point que la parler dans la cour de récréation exposait à des punitions avec port du bonnet d’âne et que les tout-puissants représentants de la République laïque, dont ils enseignaient la « morale », invitaient les enfants à dénoncer ceux qui osaient s’exprimer dans leur langue maternelle.
Et nous avons tous je pense gardé souvenir dans nos familles de ces anciens brutalisés par cette répression, rendus diglossiques, qui mélangeaient les deux langues dans une même phrase et retrouvaient l’occitan sur leur lit de mort. JAURES, le tarnais, avait dénoncé cette ignominie, ce dépouillement de la langue maternelle et de la culture populaire du peuple occitan ! Fortement attaché aux valeurs de la République, il n’avait pas pour autant la vision centralisatrice jacobine et dans deux articles publiés par LA DEPECHE DU MIDI en 1911 prônait l’enseignement des deux langues à l’école publique.
JAURES, tant à titre de député de Carmaux luttant farouchement aux côtés des mineurs en lutte, de conseiller-municipal de Toulouse et d’enseignant de philosophie et de psychologie à la faculté de lettres, se trouva aux côtés de ses frères lorsqu’ils étaient dans la peine, s’exprimait comme eux, et comprenait leurs sentiments. Fondateur du socialisme français, son assassinat la veille du déclenchement des hostilités de la guerre 1914-1918 dans une société très majoritairement belliciste au motif, seul et contre tous, que « L’Humanité est maudite, si, pour faire preuve de courage, elle est condamnée à tuer éternellement » l’éleva au statut de mythe laïque, dont la pensée libre, généreuse et ouverte pénétra tellement les esprits qu’elle est toujours prégnante dans l’inconscient collectif.
En 1977, dans le premier titre de son dernier album « Les Marquises », Jacques Brel posait la question : « Pourquoi ont-ils tué JAURES ? »
Peut-être parce que le sacrifice du JUSTE, du PUR, de l’INNOCENT, est passage obligé pour accéder à l’universel dans l’échelle des valeurs humaines ; au sortir de la première guerre mondiale, et avant le transfert de ses cendres au Panthéon, était déjà inscrite dans les futures régions régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussilon, l’évidence que seuls les successeurs socialistes de JAURES pouvaient comprendre et aider le peuple laborieux des rudes bergers des vallées pyrénéennes, des travailleurs de la terre des riches plaines lauragaises, des vignerons audois, du languedoc et du roussillon, des pêcheurs méditerranéens. D’autant plus qu’à l’encontre des principes humanistes et pacifistes défendus par JAURES, CLEMENCEAU le franc-maçon avait fait tirer en 1907 par la troupe sur les vignerons révoltés qui manifestaient dans les grandes villes languedociennes, sacrifiant au passage la vie d’enfants qui se trouvaient là, puis avait de manière indigne et écoeurante abusé la confiance de leur leader Marcelin ALBERT pour le décrédibiliser aux yeux de ses troupes (et dire que certain se prétendant son successeur a abusé des mêmes méthodes dégradantes pour salir les manifestants pacifistes opposés au mariage pour tous !) ; si, révolté par le sectarisme du chantre maçonnique, le 17e de ligne eut le courage de lever les crosses de ses fusils pour ne pas tirer sur leurs frères, CLEMENCEAU murit longuement sa vengeance et ce régiment fut impitoyablement sacrifié au feu dès 1914 lorsqu’il fut envoyé sur les théâtres d’opération les plus destructeurs en vies humaines
De par l’empathie naturelle, le charisme, l’humanisme de l’homme JAURES, son héritage incarne parfaitement la mentalité profondément républicaine, apaisée, pacifique, ouverte, modérée e, généreuse et respectueuse d’autrui, que l’on prête à tort ou à raison aux habitants de ces régions. Sa pensée et son action ont trouvé sur place un terreau fertile pour prospérer par les qualités humaines que l’histoire avait développé dans la population :
- L’évidente empreinte romaine que la civilisation gallo-romaine a gravé sur l’antique TOLOSA, qui reçut de César Auguste le privilège d’une fortification de trois kilomètres comme les villes les plus nobles de l’Empire (c’était alors par son importance la troisième ville européenne) et l’immense province de la NARBONNAISE qui servait d’autoroute entre ROME et l’ESPAGNE, puis vers BORDEAUX et la côte atlantique. Les autochtones sont les héritiers du « clientélisme » politique romain, qui veut depuis vingt siècles qu’un électeur (le client) se lie pour son existence professionnelle et familiale à un « patricien », homme politique (le patron romain) qui, en échange de sa fidélité et de sa loyauté électorale, doit l’aider pour sa vie professionnelle et familiale. Dans aucune autre région autre que méditerranéenne vous ne trouverez de manière aussi systémique et généralisée cette réaction : « l’électeur-client » doit toujours être fidèle et loyal à « l’élu-patron »‘ qu’il a choisi, et celui-ci doit l’aider autant qu’il le peut lorsqu’il est en difficulté. On retrouve cette même notion dans « l’entraide maçonnique », et il n’est pas étonnant que la région Midi-Pyrénées soit aussi celle de la toute puissance du Grand-Orient.
- Mais cette fidélité s’enracine aussi dans la sociologie de la famille : comme l’ont démontré d’abord BRAUDEL, puis TODT, la France est le seul pays européen à réunir en son territoire géographique, en fonction de son histoire propre, les trois types de famille connues sur le continent européen :
– la famille « nucléaire », triomphante au Royaume Uni, réduite au seul noyau familial : parents -enfants ;
mais aussi et surtout les deux types de « familles élargies » ;
– la « famille souche » à l’allemande, qui unit de manière verticale plusieurs générations : parents, enfants, petits enfants autour d’une autorité qu’incarne le « pater familias », et induit un âge de mariage élevé ;
– la famille « patriarcale » à l’italienne, héritière de la tradition latine, présente dans les régions du sud de la france, la famille « maison » horizontale qui unit autour d’un ancien tous ses enfants et petits-enfants, qu’ils fussent ou non mariés, et qu’unit un fort lien de fraternité et d’entraide. Cette tradition est fort ancienne en Midi-Pyrénées, de telle sorte que les lignages familiaux sont fortement attachés à l’image de la famille, aux traditions politiques de leurs anciens dont ils constituent le visage contemporain. Seuls quelques esprits forts et indépendants parviennent à se libérer de ce destin, après quelques décennies de révolte, en optant pour la droite ! - Enfin et surtout, le monopole totalitaire et jalousement défendu sur l’information dont bénéficie un quotidien régional, le seul à être diffusé sur une aire géographique donnée, propriété d’une famille politique franc-maçonne radical-socialiste, dont les propriétaires sont également des hommes politiques, ancrés à gauche par leurs parents et grand-parents qui leur ont légué le journal par héritage, et qui en conséquence arrangent constamment l’information pour répandre leur idéologie, affaiblir et anéantir toute opposition au prix parfois de campagnes haineuses d’où sont absentes déontologie, morale et vérité et n’ont d’autre but que l’élimination d’un adversaire politique (ex : DEPECHE du MIDI contre Dominique BAUDIS).
Ce monopole pour la diffusion de l’information générale tend à perdre de son importance devant la multiplication des sources, mais il tire désormais toute sa force et sa puissance de la tessiture des correspondants locaux implantés dans toutes les communes de l’aire de diffusion du journal : recrutés sur des critères de clientélisme politique et d’affiliation franc-maçonne à l’idéologie de gauche, ils forgent l’opinion du corps électoral local en rendant compte de l’activité des associations para-municipales subventionnées, en s’étalant sur l’activité et les réalisations des élus locaux de gauche qui constituent l’essentiel de leurs articles, en censurant totalement l’existence des opposants politiques locaux, non seulement en les passant sous silence mais gommant parfois avec Photoshop leur présence lors des manifestations locales.
D’où cette conviction bien ancrée dans les esprits toulousains :
Place sur une affiche électorale n’importe quel âne revêtu d’une casaque rose avec l’image d’une rose fânée et le sigle PS, il sera élu !
Si Ségolène ROYAL obtint 57% des voix sur TOULOUSE au second tour des élections présidentielles de 2007, BOZZO monta à 63% et 2012 ; et même Pierre COHEN en fut élu Maire par défaut de candidats (le Président de Région pressenti avait refusé le poste !) de 2008 à 2014. Il constitue la parfaite démonstration de cet idiome et des catastrophes auxquelles conduit pareil sectarisme : les dégâts causés à la ville par cette municipalité et ses choix désastreux demanderont plusieurs décennies pour être rattrapés et le budget exemplaire de la ville qu’avait laissé Dominique BAUDIS et son successeur fondit comme neige au soleil du midi, au point que COHEN – battu à force d’incompétence suicidaire en 2014 – laissa à son successeur une ville enrichie de 1700 fonctionnaires municipaux supplémentaires choisis selon les critères habituels du socialisme municipal, léthargique, sans projet ni réalisation, quasiment en état de mort cérébrale mis à part le subventionnement des associations communautaristes, endettée et quasiment en cessation de paiement ! Alors que par ailleurs elle fait preuve d’une incroyable vitalité culturelle (prix Nobel d’Economie), truste les prix littéraires nationaux (Sylvie Salvayre : Prix Goncourt de littérature pour « Pas pleurer »), attire dans ses universités et grandes écoles de prestige des étudiants du monde entier et connaît grâce aux industries aéronautiques et de l’espace une économie resplendissante dans le domaine des hautes technologies.
C’est pourquoi, à moins de nullité absolue comme ce fut le cas pour COHEN, il est quasiment impossible qu’un élu local bien ancré dans son terroir soit battu ; il faut prendre en ligne de compte cet aspect sociologique pour comprendre le choix électoral midi-pyrénéen ! Mais plus l’on s’éloigne de l’échelon local ou régional, moins s’exerce cette pesanteur sociologique,plus s’allège le « fatum » implacable : les résultats des prochaines élections régionales de liste de fin d’année, plus neutres et anonymes, devraient par exemple être de nature différente de celui des départementales, car la règle traditionnelle de dépendance familiale et de soumission clientéliste ou professionnelle va perdre de sa vigueur et conduire à un choix plus autonome et indépendant.
LO MEU PAIS (languedocien) traduisent bien toute l’humanité et la générosité utopiques dont on gratifie les habitants de ce terroir.
Le groupe LA TALVERA, voisins tarnais de JAURES à CORDES-sur-CIEL (élu cette année plus beau village de France !) réalise au sein de l’association CORDAE un remarquable travail de conservation et de diffusion du patrimoine culturel occitan ; mais leurs oeuvres ORIGINALES, comme